Histoire et mythologie du peuple Luba

Introduction

L’histoire du peuple Luba prend sa source dans la partie Nord-Est du Katanga. Les données linguistiques, archéologiques et ethnologiques prouvent que les Baluba vivent de manière continue et stable dans le bassin Congolais depuis des siècles. La plupart des chercheurs estiment que les Luba, plus grand groupe ethnique du Congo, sont présents dans le bassin congolais depuis au moins mille ans. Les premières traces remonteraient au 5ème siècle dans ce qui correspond à la Dépression Upemba, au Katanga. On peut désigner 3 grandes branches du peuple Luba réparties d’Est en Ouest comme suit: les Luba-Shaba, à l’Est du Katanga (terre de Nkongolo), les Luba-Shankadi à l’Ouest du Shaba (ou Luba du Centre) et les Luba Kasayi, occupant les deux Kasayi (ou Luba de l’Ouest, terre de Kalala Ilunga). On retrouve une petite partie également en Angola. Toutefois, il est à noter que, à cause du développement minier au Katanga et du manque de main d’oeuvre, beaucoup de Kasayiens on été amenés au Katanga avec leurs familles et ce à partir des années 30-40 environ. Le territoire historique des Balubas ou buluba s’étire donc, d’Est en Ouest, sur une surface comprise entre la rivière Kasayi et le Lac Tanganyika et, du Nord au Sud, entre Kindu au Maniema et Lubudi au sud du Katanga. Parmi les Baluba, ayant subi deux épurations ethniques et diverses exactions, beaucoup ont déformé leurs noms pour qu’on ne puisse pas les identifier. Cependant, présentement au Congo, près d’un 5ème de la population est Baluba, peuplant principalement le Grand Kasayi au centre, une grande partie du Katanga, le sud de Maniema et du Kivu. Le Ciluba, avec plus de 6 millions de locuteurs, est la langue la plus parlée au Congo en tant que première langue ou langue maternelle. La culture Luba s’étant transmise principalement de façon orale, il n’existe pas d’écrits précis racontant en détails la génèse de l’Empire Luba, ni l’origine précise des Baluba. Ils viendraient du Nord Est de l’Afrique, peut-être descendants des peuples du Nil… L’histoire que l’on connaît est la mise en commun des récits d’hommes de mémoire issus des différentes régions du Buluba, dont la parole a été receuillie par différents ethnologues au fil des ans (Pierre Colle 1910, Gérald de Clerck 1914, Paul Orban 1916, Heusebault 1918, Agnès Donohugh & Priscilla Berry 1929, Nicolas Ferber 1930, Adrien Van Der Noot 1936, Edmond Verhulpen 1936, E. d’Orjo de Marchovelette 1948, Bonaventure Makonga 1948, Harold Womersley 1950, Jason Sendwe 1954, Théodore Theuws 1954, William Burton 1961, Kyoni Ngoyi 1973, Joseph Kumwimbe 1973, Tshikala Mwamba 1973, Ilunga Kabale 1973, Banza 1973, Hersak 1976, Fairley 1978, etc.).

Naissance d’un mythe

Les 3 personnages centraux à la génèse d’une mythologie Luba passionnante et épique sont Nkongolo, Ilunga Mbidi Tshiluwe (ou Kiluwe prononciation du Katanga) et Kalala Ilunga. ”La tradition orale Luba oppose la royauté originelle, fruste et démesurée de Nkongolo (dont le nom même désigne le génie python arc-en-ciel, maître de la saison sèche) à une nouvelle dynastie raffinée fondée par un prince chasseur d’origine céleste, Mbidi Kiluwe, qui apparaît comme une créature lunaire et le maître de la pluie.” Avant eux, on ne sait pas ce qui s’est passé avec certitude. L’empire Luba, étant composée de chefferies indépendantes (Bena Lulua, Bena Tshibanda, Bena Mpuka, Bena Mualaba, Bena Mutombo, Bena Luntu, Bena Tshiadi, Bena Mukuna, Bena Kalundwe, Bena Kapuki, etc.) mais interconnectées, le peuple s’est répendu ainsi sur le territoire en formant des sous-groupes distincts. D’ailleurs, les chercheurs ont observé des similitudes dans la mythologie des différents peuples bantus qui descendraient tous de ces figures historiques ou auraient avec les Lubas des liens étroits, comme les peuples Bemba, Chokwe, Kusu, Kanyok, Lulua, Lunda et Hemba, ou encore les Songye qui ont une mythologie ‘inversée’ dans laquelle ils sont héritiers de Nkongolo, victime de Mbidi Kiluwe. Il ne faut pas oublier que les Lubas ont longtemps dominé la région politiquement et culturellement. Il est donc compréhensible qu’un même évènement transmis dans le temps de manière très positive dans une culture dominante puisse être transmis dans un récit très négatif au sein d’un peuple voisin qui s’est retrouvé dominé. Ce mythe est ouvert aux discussions.

Lunda_1700
Bassin Congo vers 1700

Je m’arrête ici un instant pour faire quelques remarques. J’ai souvent vu, dans des blogs ou autres forums, les gens mélanger les termes alors notez bien: une personne issue du peuple Luba est appelé mulubà; plusieurs personnes sont désignées par le terme balubà; bulubà désigne la terre et la culture luba au sens large du terme. À ceux qui se demanderont où j’ai trouvé tout ce qui va suivre, je leur réponds d’avance: dans les écrits. Tout est là. Dans l’histoire écrite par l’homme blanc mais aussi dans les paroles transmises par nos ancêtres. Il suffit de lire. J’ai moi-même beaucoup appris au cours de mes différentes lectures et j’en ai fait ici une ‘rapide’ synthèse. Ce récit est un peu long alors voici un conseil: Servez-vous une bonne tasse de thé ou de café chaud puis installez-vous bien confortablement pour lire la suite…

Génèse

Le mythe Luba commence comme suit. Avant que les terres Luba ne soient habitées, vivaient un homme du nom de Kiubaka-Ubaka, bâtisseur de maisons, et une femme, Kibumba-Bumba du pays Buhemba (à l’Est du fleuve Lualaba), potière émérite. Les deux ignoraient la présence de l’autre jusqu’au jour où Kiubaka-Ubaka entendit quelqu’un couper du bois. Il vit Kibumbabumba couper du bois pour préparer un feu. C’est ainsi qu’ils découvrirent l’existence de l’autre et décidèrent de vivre ensemble. Kibumba-Bumba enfanta des jumeaux, un garçon nommé Kyunge et une fille nommée Kabange. Ainsi les jumeaux grandirent et vécurent ensemble loin de leur parents. Ils devinrent experts en pêche et engendrèrent à leur tour des jumeaux qui eux devinrent experts en chasse. Ainsi, pendant plusieurs générations, des couples de jumeaux vinrent au monde et peuplèrent la région en se déplaçant chaque fois un peu plus vers l’Est jusqu’à dépasser le fleuve Congo et atteindre la terre Luba. Un des descendants directs de Kiubaka-Ubaka est Nkongolo.

Kongolo Mwamba ou Nkongolo, fils de Kahatwa Kazadi ou Muleya Monga, était un guerrier Luba dont l’origine exacte reste incertaine (certains disent qu’il venait de Kongolo, au Nord du Katanga actuel, d’autres de Mwibele et d’autres encore de Bena Kalundwe) qui voulait étendre son territoire sur la région Songye, au Nord. Il prit le nom de Nkongolo car sa peau était rouge. Dans sa jeunesse, il assista au spectacle de fourmis noires détruisant une termitère ce qui l’inspira à devenir un chef guerrier parmi les siens. Il prit pour épouses ses deux soeurs Bulanda Ndayi et Mabela Ndayi. À l’époque, la région comprise entre le Lac Tanganyika et le Haut-Kasai était divisée en une multitude de petites chefferies, il n’eut donc aucun mal à s’imposer par la force. À son passage, il soumit tous les peuples vivants dans ce qu’on appelle la Dépression Upemba. Il terrorisait la population et, à l’aide d’un couteau traditionnel courbé que l’on appelait nkololo, coupait les mains, les pieds et/ou les nez de ceux qui s’opposaient à lui. Il reste dans l’histoire comme étant tyrannique, surnommé Kongolo Mwamba mujya na nkololo (Kongolo Mwamba qui danse avec un nkololo). Nkongolo s’autoproclama chef ou mukalenge (par opposition au mulopwe, roi de droit divin) et choisit Mibwele comme capitale, aux alentours de 1585. Il fut aussi une prophécie annonçant qu’il n’obtiendra jamais le pouvoir véritable de chef et que bientôt, un véritable héritier de sang royal prendra le pouvoir.

Upemba Depression 1972
Depression de l’Upemba

De son côté, Ilunga Kiluwe (ou Tshiluwe), vivant à l’Ouest du fleuve Congo, avait trois enfants, deux fils, Ilunga Mbidi Kiluwe et Ilunga Tshibinda Ndala, et une fille, Mwanana. Mwanana était influente et était présentie pour prendre la succéssion d’Ilunga Kiluwe car favorisée par son père, bien que Mbidi Kiluwe, vaillant guerrier et chasseur, était favori du peuple. Une des versions dit que Mwanana avait un chien de chasse, surnommé Lion (d’autres versions disent qu’il s’agissait d’un vrai lion et non d’un chien), qu’elle adorait et chérissait plus que tout. Un jour, le chien s’échappa alors qu’il était sous la surveillance de Mbidi Kiluwe. Devant la colère de Mwanana, Mbidi Kiluwe se vu obligé de suivre sa trace. Avec une suite, il quitta ses terres pour aller vers l’Est et dépassa la rivière Congo. Il dépassa la Lomami tandis que certains de sa suite allérent vers l’Ouest de la Lomami et fondèrent les royaumes Lukungu et Mutombo Mukulu. Il est dit ensuite que Mbidi Kiluwe se rendit en terre Lunda, au Sud-Est du Kasayi actuel, et eut un enfant avec Lwija (ou Lweji) Konda, un fils nommé Mwata Yamvo mais que par la suite, il perdit la trace du chien au bord de la Lualaba. (Une autre version, qui me semble plus probable, dit que Mwata Yamvo est en fait le petit frère de Kalala Ilunga, Ilunga Tshibinda Ndala, qui devint par ses conquêtes le premier Empereur Mukalenge des Lunda grâce à son mariage avec le reine Lweji qui lui cèdera très vite son trône, au grand dam de ses frères, de façon à ce qu’il obtienne les pleins pouvoirs. C’est à ce moment qu’il prend le titre de Mwata Yamvo, titre qui sera transmis à travers les générations. Sa capitale sera Asokwele. Mwata Yamvo n’aurait pas eu d’enfants avec Lweji mais avec sa seconde épouse. Son fils aîné Mwata Mutombo est celui qui va régner en royaume Lunda. D’autres disent que Mbidi Kiluwe partit volontairement pour conquérir les peuples situés entre la Lubilanji et la Lualaba. On se rend compte ici qu’à cette époque,  plusieurs royaumes vont être fondé par les Balubas.) Quoiqu’il en soit, Kalala Ilunga arriva sur les bords de la Lualaba.

rivers lakes 1972

Circonstances de la naissance de Kalala Ilunga

Le mythe continue ainsi.  Mbidi Kiluwe et sa suite s’arrêtèrent un instant au bord de l’eau, près de Mwibele. Il fut surpris par Bulanda (la triste) et Mabela (la menteuse), les soeurs de Nkongolo, qui le présentèrent à la cour. Nkongolo vit en lui ses talents de stratège et décida de les utiliser pour étendre son influence en pays Songye. Nkongolo offra ses deux soeurs ‘incestueuses’ en mariage à Mbidi Kiluwe. À ce moment là, les relations entre Nkongolo et Mbidi Kiluwe se dégradent peu à peu. En effet, Nkongolo, bien que proclamé ‘Roi Arc-En-Ciel’ n’observe pas les coutumes dûes à son rang tandis que Mbidi Kiluwe, de sang royal, ne mange et ne boit jamais en présence du peuple. Aussi, un jour, Nkongolo fait une remarque déplaisante sur les deux dents de devant limées de Mbidi Kiluwe. Se sentant insulté, celui-ci décide de retourner auprès de son père, vers l’Est. Il laissa ses deux femmes enceintes aux soins de Mijibu Kalenga, le kitobo du village, devin et prêtre, lui faisant confiance pour lui retourner ses enfants lorsqu’il serait temps. Celui-ci lui indiqua que dans le futur, si un homme à peau rouge se présentait, il devait le refuser, car il serait le fils Nkongolo. Il ne devait acceuillir que des hommes à peau noire. Avant de partir, Mbidi Kiluwe laissa à Mijibu un panier contenant une bille de fer magique, une balle de caoutchouc magique ainsi que des flèches à forme spéciale. Il demanda à Mijibu de faire porter à ses enfants une de ces flèches spéciales pour qu’il puisse les reconnaître lorsqu’ils retourneront chez leur père. Et à son retour, à Kituba, à l’Est du fleuve Congo, il s’arrêta et demanda au passeur d’interdire le passage à tout homme à peau rouge qui essaierait de rentrer sur le territoire Luba.

Bulanda enfanta Kalala Ilunga et Mabela enfanta des jumeaux dont un garçon, Kisula. Kalala hérite des qualités physiques et militaires de sa famille paternelle et des dons mystiques de sa famille maternelle. Il est dit qu’il était précoce et pouvait parler à la naissance. Selon le mythe, il entama son propre chant royal ‘Katangala Mwadi Kalonzo, kana kawa butwidile ku nyansha bekadilanga mukunda’ (Katangala Mwadi Kalonzo the child born in the morning cries out). Les enfants grandirent avec leur oncle, le roi Arc-En-Ciel. Kalala Ilunga devint très vite le favori du peuple car il était très athlétique, très bon chasseur et très bon danseur. Nkongolo ne voyant pas sa popularité d’un bon oeil, lança plusieurs défis à Kalala. D’abord au Masako, une variante de jeu de billes. Kalala Ilunga informa Mijibu Kalenga du défi de son oncle. Alors, Mijibu donna la bille de fer que Mbidi Kiluwe lui avait laissée. Kalala Ilunga utilisa cette bille de fer et biensûr, remporta le défi. Ne s’en laissant pas compter, Nkongolo re-mit au défi Kalala mais cette fois au Bulundu, une variante de l’actuel football qui se joue avec une balle de latex. Mijibu donna alors à Kalala la balle en caoutchouc magique que son père lui avait laissée. Kalala remporta également ce défi. (Dans certaines versions, il est dit que la mère de Nkongolo se moqua de son fils et lui conseilla d’arrêter de se mesurer à Kalala car il ne gagnerait pas et que sur cette remarque, Nkongolo fit enterrer sa mère vivante. D’autres versions vont plus loin, indiquant que par la suite Nkongolo tenta plusieurs fois de tuer Kalala et ses gens et que c’est pour cette raison que Kalala décide de faire couler le sang. Il est aussi dit que Nkongolo s’est mesuré aux deux fils de Mbidi Kiluwe et pas seulement à Kalala.)fourmitermite

Kalala Ilunga échappe à la mort

Un jour, Kalala Ilunga vit des fourmis noires transporter des termites. Il pris cela comme un signe de guerre et alla tuer les hommes de Nkongolo. Devant ces trois revers, Nkongolo décida de tuer Kalala Ilunga. Alors que Kalala était parti en mission pour conquérir d’autres peuples, Nkongolo fit préparer une chausse-trappe remplie de pics et recouverte de tapis. Au retour de Kalala, Nkongolo demanda à celui-ci de danser devant lui. Mijibu Kalenga, au courant du piège tendu à Kalala, informa celui-ci et lui dit de faire spécialement attention aux signaux que lui enverra le tambour. Kalala commença sa danse mais à chaque fois qu’il s’approchait du piège, Mungedi, le tambour, envoyait un message Utomboka ushinshila!Munshi mudi bwine nkala! (Tourne vers l’arrière! La mort t’attends devant!) Soupçonneux, Kalala Ilunga lança sa lance sur le tapis et dévoilà la chausse-trappe. (Dans une des versions, il est dit que Mijibu explique clairement la présence du piège à Kalala et lui donne deux lances, une à brandir pendant la danse et une pour sonder le sol, Kalala découvrant ainsi le piège). Conscient maintenant du piège qui lui à été tendu, Kalala va voir Mijibu qui lui tend une des flèches laissées par son père et lui dit de s’enfuir. C’est ainsi que Kalala Ilunga voyagea vers l’Ouest. Aux abords du fleuve Congo, le passeur vit que Kalala Ilunga avait la peau noire et le transporta de l’autre côté de la rivière.

À la suite de la fuite de Kalala, Nkongolo ordonna à Mungedi et Mijibu de le faire revenir. Ils grimpèrent dans un grand arbre appelé muvula et bien qu’ils envoyèrent de faux signaux pour le faire revenir, l’un avec son tambour et l’autre avec les cloches royales, Kalala ne revint pas. Ainsi pris au piège dans l’arbre, Mijibu décide de s’échapper en utilisant sa magie. Il dit à Mungedi d’attraper sa ceinture pour qu’ils s’envolent tous les deux mais Mungedi refusa. Mijibu s’enfuit donc seul et laissa Mungedi qui mourut de faim et de soif dans l’arbre. Nkongolo et ses hommes poursuivirent Kalala mais furent bloqués près de Kituba, au bord du fleuve Congo. Le passeur se souvint des paroles de Mbidi Kiluwe et, à la vue de ces hommes à peau rouge, cacha ses canoes. Nkongolo et ses hommes contruisirent des embarcations en papyrus qui coulèrent et emportèrent plusieurs d’entre eux. Ils décidèrent ensuite de construire un pont qui céda et emporta à nouveau une bonne partie des hommes. Devant cette infortune, Nkongolo décida de rentrer à Mwibele.

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La lukasa ou “main longue” est une planche mnémonique Luba. Ces planches avaient les mêmes fonctions que les peaux de bêtes peintes dans d’autres cultures par exemple et permettaient aux hommes de mémoire de conserver la chronologie des évènements importants du clan.planchememoire2

Kalala Ilunga prend le pouvoir

Kalala Ilunga regroupa une armée d’hommes parmi le peuple de son père et retourna à Mwibele.  Nkongolo,  entendant la nouvelle que Kalala arrivait avec son armée, s’enfuit vers Mwadi Katoloka à la jonction des rivières Lomami et Luguvu. Il n’eut pas le temps d’y construire des fortifications et dû traverser la Lomami. Il se cacha pendant un temps dans les cavernes de Kai situées sur la Luembe mais une femme qui passait par là pour chercher du bois vit la cachette de Nkongolo et en informa les hommes de Kalala. Nkongolo fut saisit, exécuté, décapité et castré, sa tête et ses parties intimes placées dans un panier sacré. Kalala Ilunga décida de rapporter ses restes à Mwibele. En chemin, lui et ses hommes s’arrêtent pour la nuit à Kimona. Le panier fut laisser pour la nuit au sol et le lendemain, à la place se trouva une fourmilière géante. C’est ainsi que Kimona devint le premier village sacré des Luba.

Kalala Ilunga et sa suite continuèrent leur route et s’établirent sur la terre Munda, sur  la colline Mwilunde wa Nkonda près du village de Makwidi, en région Munza. C’est à ce moment que Kalala Ilunga devint Mwine  Munza, Seigneur de Munza. De tous ses enfants, seulement deux survécurent aux luttes fratricides, Kazadi Milele et Ilunga Mwila, couvert de poils, d’où l’un de ses surnoms Ilunga Mwevu ou Ilunga, le barbu. Mwine Munza ordonna que l’on tue ce dernier mais son conseiller (twite, spiritual father of the King) dit de le garder en vit. Alors, Ilunga Mwila fut emmené à Bisonge, au Nord, à la frontière Sud de la terre Songye, là d’où vient la famille de sa mère et pour tromper Mwine Munza, on lui présenta une lance couverte du sang d’un animal tué en chemin.

Masque Luba en bois
Masque Luba en bois

Descendants de Mwine Munza

Malheureusement, quelques années plus tard, le fils favori de Mwine Munza, Kazadi Milele est tué lors d’une mission. Sa tête fut placé dans un panier sacré et rapporté à Shinta (Nyembo), un village situé à l’Ouest de la Lomami, qui devint village sacré à son tour. Mwine Munza désespéré de voir la lignée s’éteindre ne sait que faire. C’est alors que son conseiller va chercher Ilunga Mwila à Bisonge. Mwine Munza, soulagée, acceuille son fils perdu avec joie. Ilunga Mwila prit le trône à la mort de son père mais ne règna pas longtemps. Après sa mort, Kalongo devint son village sacré.

Vint par la suite Kasongo Mwine Kibanza. Il fit de Myumbu, village situé sur la rivière Luguvu, sa capitale. Ses quatre premiers enfants furent déclarés inéligibles car difformes ou malades. Le premier de ses enfants ‘normaux’ était Ilunga Mpunji. D’autres suivirent: Manyono, Ngoyi Mufungwa, Kabamba, Kapole, Disolwa Mutole, Ndibu Yakubwanga. Ilunga Mpunji commit l’adultère avec la première femme de son père. Ils furent tous deux noyés dans la Luguvu. Devant la mort de son frère Manyono se tua également en se noyant au même endroit de la Luguvu. Le mythe dit que, pour se venger, les esprits d’Ilunga Mpunji, de Manyono et de la première femme de Mwine Kibanza revinrent sous les formes respectives d’un léopard, d’un lion et d’un éléphant qui tuèrent les gens de Myumbu mais furent par la suite abattus.

Coupe Luba.
Coupe Luba.

Kasongo Bonswe, fils de Manyono, était le petit-fils préféré de Kasongo Mwine Kibanza. Un jour alors qu’il observait une chasse en compagnie de ses fils, Kabongo Mwine Kibanza demanda de l’eau à Kabamba qui refusa. Il demanda ensuite à son autre fils Kapole d’aller lui chercher de l’eau. Celui-ci refusa également. Alors Kabongo Mwine Kibanza demanda à Kasongo Bonswe qui accepta. Ce dernier prit deux coupes royales et s’en alla à la rivière. En chemin, Kabongo tomba sur un nid d’abeilles, alors il remplit une coupe de miel et une autre d’eau, puis les rapporta à son grand-père. Le lendemain, Mwine Kibanza le proclama succésseur du trône. Pour confirmer, Bonswe perça les peaux royales de sa lance, provoquant ainsi la colère de ses oncles.

Pour sa  protection, Bonswe fut envoyé vivre au loin, dans la région de Kabongo. À la mort de Mwine Kibanza (Myumbu), les esprits s’échauffèrent, chacun des oncles voulant s’asseoir sur le trône. Cependant Disolwa Motule fut tué par une morsure de serpent, tandis que Ndibu Yakubwanga fut tué par un léopard. Kabongo Bonswe devenu maintenant Kabongo Kabundulu vaincu son oncle Kabamba dans une bataille près des villages de Lwakidi et Kilemba. Kabongo Kabundulu monta sur le trône quand il vaincu, pour finir, son oncle Kapole. Il choisit pour capitale Kabanda, dans la région de Nyembo, qui devint plus tard un village sacré.

luba-headrest

Chronologie des souverains de l’Empire Luba

Ainsi se termine le mythe et commence l’histoire du peuple Luba. À partir de cet instant, les versions diverges sur l’ordre des quatre souverains suivants. Voici une liste ‘possible’ des souverains de l’Empire Luba jusqu’à son effonfrement à l’arrivée massive des colons (les dates sont approximatives):

1. Kongolo Mwamba / Nkongolo, fondateur de l’Empire Luba
2. Kalala Ilunga / Mwine Munza, fils de Mbidi Kiluwe et neveu de Nkongolo Mwamba, s’installa à Mwilunde wa Nkonda;
3. Ilunga Mwila/ Ilunga  wa Lwevu / Ilunga Mwevu / Ilunga Kya Moya / Ilunga kya Maimbi, fils de Kalala Ilunga, s’installa à Bisonge;
4. Kasongo Mwine Kibanza, fils de Ilunga Mwila, s’installa à Kibanza;
5. Kasongo Bonswe / Kasongo  Kabundulu, fils de Mwine Kibanza, s’installa à Kabanda;
6. Ngoye Sanza/ Ngoyi-a-Sanza, fils de Kasongo Kabundulu, s’installa à Kapulu;
7. Ndayi Mwine Nkombe, fils de Ngoy-a-Sanza, s’établit à Nkombe;
8. Kadilo Sokela Bota, fils de Mwine Nkombe, s’installa à Budi 9. Kenkenya, fils de Kadilo, s’installa à Bwilu;
10. Kumwimbe Kaumbu Mputu, cousin de Kenkenya, régent qui mourut lors d’une campagne contre les Songye du Nord;
11. (c.1800) Miketo, frère de Kumwimbe Mputu, ne règna que peu de temps, jusqu’à ce que Ilunga Nsungu réclame son héritage;
12.  (1781 – 1809) Ilunga Maniema Sungu, fils de Kenkenya et de Dyango, une princesse Songye, et s’établit à Lubala, then moved his palace to Katende where a lot of ressources were;
13. (1809 – 1837) Kumwimbe Ngombe, fils de Ilunga Nsungu, il résida à Budumbe
14. (c. 1837) Ndayi Mushinga, fils de Kumwimbe Ngombe, tué par son frère, Ilunga Kabale, au bout d’une année;
15. (1837 – 1864) Ilunga Kabale, s’installa à Bene Dyombo;
16. (1864 – 1865) Maloba Konkola, fils aîné de Ilunga Kabale, lui succéda, mais trois mois après, il fut battu et décapité par son frère Kitamba;
17. (1865 – 1869) Kitamba prit le pouvoir mais un an après, lui aussi fut tué par son frère Kasongo Kalombo, cinquième fils de Ilunga Kabale;
18. (1869 – 1886) Kasongo Kalombo, fils de Ilunga Kabale, succéda à Kitamba;
19. (1886 – 1889) Ndayi Mande, frère de Kasongo Kalombo lui succéda, battu ensuite par son frère Kasongo wa Nyembo.
À partir de là, la lignée se scinde en deux. Les Kasongo d’un côté et les Kabongo de l’autre.
Les Kasongo
1. (1889 – Oct 1917) Kasongo wa Nyembo qui avait pris le pouvoir de Ndayi Mande eut affaire à son frère Kabongo avec qui il engagea une guerre qui dura des années et qui coûta beaucoup en vies humaines et en richesse à la population.
2. (1917 – 1935) Umpafu Ilunga Kumwimba
3. (1935 – 1957) Ilunga Kisuku
4. (1957 – 1964) Kasongo wa Nyembo/Ndaye Emmanuel
5. (1964 – ?) Urbain Kisula Ngoyi, gouverneur de Katanga de 2004 à 2006, actuellement député provincial au Katanga
Les Kabongo
1. (1889 – 1948) Kabongo Kumwimba Tshimbu Boniface
2. (1948 – 25 Oct 1960) Kabongo Kalowa Boniface (Ilunga Balowa Boniface/Dibwe Kalowa Boniface)
3. (Oct 1960 – c.1980) Kabongo Makasa Dibwe Jacques
4. (c. 1980 – présent?) Kumwimba Kabongo Kanshimbu


Sources:
Civilisations – Étude comparée Luba, Songye, Hemba, Kalebwe Luba & Lunda Empires
From The Rainbow To The Kings
History Of Katanga
Oxford Reference
Le Congo Pré-colonial
World State Men
Banabambidi
Université de Laval
Last update March 15th, 2014

26 thoughts on “Kale Kàà Balubà | Histoire des Baluba

  1. Vraiment pas sérieux; qui épouse Bulanda et Mabela? L’histoire des BALUBA doit être écrite par eux même pas par des blancs nos pires ennemis qui ont tout falsifié! Voir le site KIOTA KIA BANA BA MBIDI! En plus sur wiki quelqu’un s’est mis à écrire ceci : “L’empire Luba, étant composée de chefferies indépendantes (Bena Lulua, Bena Tshibanda, Bena Mpuka, Bena Mualaba, Bena Mutombo, Bena Luntu, Bena Tshiadi, Bena Mukuna, Bena Kalundwe, Bena Kapuki, etc.) mais interconnectées, le peuple s’est répendu ainsi sur le territoire en formant des sous-groupes distincts..” C’est de la folie! Quand on sait pas il ne faut pas écrire n’importe quoi : POSEZ DES QUESTIONS AUX CHEFS DE VOS GROUPEMENTS RESPECTIFS ILS ONT NOTRE HISTOIRE!

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    1. Bonjour,

      Je connais le site dont tu parles, d’ailleurs, je l’ai mis en lien depuis fort longtemps. Vérifie les liens ‘Pa Bulubà’ (banabambidi.net). Je suis d’accord avec toi, leur site est très bon. Mais il me semble que tu as omis de lire l’introduction de leur page et je t’invite à la relire. Ils y disent notamment:

      “Ce n’est pas un travail d’un ou deux individus, mais une synthèse de la confrontation des traditions orales et des études historiques de certains auteurs étrangers qui ont eu l’initiative de recueillir des informations sur les événements avant que ne s’éteignent et que ne soient enterrés les derniers historiens traditionnels, et avec eux, toutes les documentations en leur possession.(…) Les vérités historiques sont des vérités approximatives et essentiellement relatives, appelées à varier avec le progrès de la connaissance”.

      Tout comme moi, ils ont fait une synthèse de plusieurs lectures et nomment certaines de leur sources, R. Pasteur Burton et Mr Verhulpen entre autres. Tu admettras que leur noms n’ont rien de congolais. Ce que tu appelles falsification est seulement la conséquence même de la culture Luba. De toutes les lectures que tu pourras faire, aucune ne sera identique à une autre pour la simple et bonne raison que l’histoire du peuple Luba s’est transmise par voix orale. Rien n’est inscrit dans le marbre. Donc sur tout le territoire Luba, tu entendras des versions différentes de cette même histoire. Selon les hommes de mémoire des différentes régions, certaines histoires se sont retrouvé perdues car considérées comme secondaires. C’est pourquoi il est intéressant de lire plusieurs sources et de les recouper. Je t’invite à le faire également.

      Comme je l’ai déjà dit, je ne détiens pas LA vérité mais j’essaie ici de mettre en commun tout ce que l’on peut trouver sur la culture baluba. Ce blog est un point de départ, aucunement une fin, et j’espère qu’il donnera envie aux gens d’aller plus loin et de découvrir de quoi est vraiment fait le Congo. Fait tes propres recherches (tout est en ligne) et tires-en tes propres conclusions car ce que j’ai décidé de prendre en compte pour écrire cette ‘synthèse’ du mythe des Baluba n’est pas forcément ce que toi tu garderais après la lecture de plusieurs sources. Le choix n’a pas été facile car certaines versions sont TRÈS différentes voir, pour certains faits, diamétralement opposées. On peut reprocher beaucoup de choses à l’homme blanc mais une des rares bonnes choses qu’il ait faite, c’est d’aller à la rencontre des chefs coutumiers pour receuillir leur histoire et la retranscrire sur papier. D’ailleurs par la suite, des scientifiques Congolais ont fait de même. Je t’invite donc à les lire en priorité si tu ne fais pas confiance aux livres écrits par les blancs. J’ai mis quelques références tout en haut de cette page, dans l’introduction. C’est loin d’être une liste exhaustive.

      Merci d’avoir visité mon blog. Je t’invite à l’explorer davantage et à visiter d’autres pages et posts. Au plaisir! 🙂

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      1. Je comprends mieux avec cette explication, au fait c’est un travail à compléter et enrichir par d’autres recherches. Très bien bravo, on est d’accord.

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    2. Vous avez une drole de facon de nous apprendre notre histoire.Ici , nous avons besoin d’apprendre , si tu as quelques informations, pourquoi n’est pas partagé au lieu de nier les faits, au moins lui nous donne certaines pistes, faites de meme Kazadj

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  2. Une chose est vraie, l’histoire des peuple noir est orale; il incombe a nous même de l’écrire et pour le faire il faut lire ce que les autres ont écris blanc ou noir il ne faut pas y aller avec des préjugés sinon tu te met des barrières. apporte quelque chose, confronte la connaissance, l’histoire mais ne t’en prend pas aux individus en traitant tout le monde de menteur, falsificateur sans rien apporter de probant.
    Je félicite celui ou ceux qui ont crée ce site et je les encourages fortement je serais prêt à contribuer pour favoriser leurs recherche.
    merci a vous
    NOUS AVONS UNE HISTOIRE DE LA CRÉATION SEMBLABLE A CELLE DE ADAM ET ÈVE…
    Nous en voulons encore plus.

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    1. Bonjour Elkabong. Désolée de ne pas avoir répondu plutôt. J’ai pris une année de “pause” avant de revenir en force maintenant. Le blog a été créé par moi-même et je suis la seule à le mettre à jour au gré de mes lectures et de choses que je trouve intéressantes ici ou là. Je vous remercie de l’intérêt que vous y porter. Je vais être de nouveau plus active. Continuez de me soutenir. C’est très apprécié.

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  3. Bravo pour votre blog. Pourriez vous mettre cela sur wikipedia. Car je ne sais pas qui s’est amusé à faire un wiki sur le peuple Luba et l’empire, mais c’est vraiment du n’importe quoi et trés peu détaillé. Et avec des propos subjectifs qui n’ont pas leur place, comme par exemple des insultes envers les Songuye.

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    1. Merci, Alterkasai. Votre soutien est bien apprécié. Je n’ai pas vraiment regardé en détails ce qu’il y a sur wikipedia mais c’est vrai qu’en survolant, j’ai trouvé le contenu un peu faible. Je vous suis aussi sur wordpress maintenant!

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    1. Twasakidila, Jean. Je vous invite à vous inscrire en cliquant ICI pour suivre les événements. Je vais commencer à envoyer des lettres aux abonnés régulièrement.
      à bientôt!

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    1. Merci. Faut que je prenne le temps de finir cet article. Il manque des bouts mais j’espère que les lecteurs apprécient.

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  4. Clarisse, merci beaucoup pour ce dure labeur. Je pense qu’ici chaque muluba se sentira appeler à mettre sa main à la pâte. Ceci montre le grand souci de booster Ciluba loin de nos frontières. Votre travail me rappelle les paroles du professeur Alphonse Ngindu Mushete d’heureuse mémoire. Kola bobobo, bu muswawsa, bu ngindu, bu cyamwa cya mu ditanda bwa kwetu kakujiminyi wa mamu.

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    1. Bonjour Jean-Maurice,
      Personne ne conteste que les Lubas viennent du Katanga. C’est ce qui est expliqué dans cet article. L’histoire montre qu’il y a eu migrations, conquêtes et séparations successives au fil des siècles et la langue a évoluée avec, sûrement à cause des populations locales rencontrées en chemin. Nous avons remonté le Nil, passé le Lac Tanganyika puis progressé vers l’Ouest et le Sud.
      En résumé, Kongolo Mwamba a été le premier à bâtir un empire dans ce que nous appelons aujourd’hui le Katanga.
      Le neveu de Kongolo, Kalala Ilunga Mbidi, est parti au-delà de la Lualaba avec sa suite dans ce que nous appelons aujourd’hui le Kasayi.
      Par la suite, le petit frère de Kalala Ilunga, Ilunga Tshibinda qui voulait le pouvoir est parti vers le Sud avec sa suite est a épousé Lweji pour fonder l’empire Lunda qui est devenu encore plus important que l’empire Luba.
      Nkole et Chiti, fils du roi Mukulumpe se sont rebellés, ont quitté l’empire Luba pour s’installer dans la région que l’on appelle Zambie. Par conséquent, les Luba, Hemba, Kanyok, Songye, au Congo, les Lubas et Lundas en Angola et les Bemba en Zambie sont issus d’un même peuple et se réclament soit de Kongolo Mwamba, Kalala Ilunga, Ilunga Tshibinda (Mwata Yamvo) ou Chiti Mukulu qui sont TOUS Lubas.
      Si vous pensez différemment, veuillez en expliquer les raisons afin que nos lecteurs comprennent votre position.
      Merci.

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  5. Mbote madame Clarisse, je suis impressionnée par votre travail, continuez s’il vous plait car votre engagement n’a pas de prix et ce qui manque à l’Afrique, notre continent, c’est la foi en ce qui a été. Toute la complexité des peuples du Congo et du continent montre que nous ancêtres n’ont jamais été des sous-hommes bien au contraire… Je suis à la recherche d’une source que j’ai du mal à trouver, pourrions-nous nous écrire en aparté pour en discuter ? Peut-être que vous pourriez m’aider dans cette recherche. Je vis à Kinshasa. Je vous remercie, bien à vous. Laetitia

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  6. L’histoire luba ne ne commence pas forcément avec “l’empire” … Et la lubïté va au delà des frontières de cet état
    Cependant c’est intéressant de noter que les fondateur de celui ci sont eux mêmes des étrangers non luba a la base nkongolo et ilunga

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