Dans cet article, je vais parler de la musique congolaise qui me déçoit un peu. La musique congolaise qui était autrefois à la pointe de ce qui se passait dans le paysage musicale d’Afrique noire est aujourd’hui en perte de vitesse. Ils nous font du réchauffé, des choses que nous avons déjà revues et ré-entendues et du coup nous nous tournons vers des artistes venus d’ailleurs qui nous apportent de la fraîcheur.

Les artistes congolais se sont assis sur leurs lauriers. Oui, il fût un temps où nos musiciens influençaient l’Afrique entière. Oui, nos Dr. Nico et autres Diblo ont distillé leur savoir à des musiciens africains avides d’apprendre le style congolais. Et voyez maintenant, le Kenya produit de très bons artistes ainsi que le Nigéria, pour ne citer qu’eux. Ils ont réussi à intégrer la guitare congolaise à leur musique et à se l’approprier pour créer quelque chose qui leur ressemble.
La musique congolaise manque cruellement d’innovation (et je pense principalement à ceux qui font du soukous/ndombolo/rumba) et je vais tenter d’expliquer quelles en sont les raisons, à mon humble avis:
– la première raison, c’est l’abscence cruelle d’un système d’exploitation musicale solide. Les artistes congolais ne reçoivent quasiment pas de droits d’auteurs du fait que leur musique est piratée à outrance. Par conséquent, les artistes ayant besoin de manger aussi, rentrent dans le système des mabanga, qui leur permettent de vivre. Cela soulève deux problèmes. Le premier est que la qualité des chansons est grandement compromise. Plus, tu insères des dédicaces et moins il y a de place pour de vraies paroles. Le deuxième problème est que le système de mabanga entraîne des dérives et on peut se demander si les artistes cherchent même à produire une bonne chanson ou simplement à se faire le plus d’argent possible avec. Personnellement, je fais le choix d’acheter les albums des artistes africains que j’apprécie parce que quitte à dépenser 10$, je préfère les mettre sur un artiste Africain plutôt que sur la “junk music” dont nous abreuve les ondes occidentales. Je ne nommerai pas de noms mais je pense que tout le monde sait de quoi je parle. Donc oui, j’achète Kasaï Allstars, j’achète Rey Lema, j’achète Lokua Kanza. Malheureusement, l’argent va plus au producteur qu’à l’artiste (s’il ne s’est pas autoproduit) mais c’est mieux que rien. Une des pistes les plus solides, serait peut-être d’opter pour un système indépendant à la Ryan Leslie (vente directe d’artiste à fan) que pas mal de jeunes artistes congolais ont déjà adopté.

– la deuxième raison, c’est le manque d’exploitation d’internet. Certains artistes ne sont absolument pas représentés sur la toile ce qui rend très difficile le fait de vouloir suivre leur actualité. La plupart de nos artistes congolais n’ont pas de site officiel. Une personne comme Tshala Muana n’a pas de site officiel. Incompréhensible! Certains ont des pages Facebook ou Twitter mais parmis eux, beaucoup n’optimisent pas leur utilisation. Parmi les artistes les plus proéminents qui ne s’en sortent pas trop mal, je pourrais nommer Awilo, Papa Wemba et Fally. Beaucoup d’artistes ont des profils Facebook au lieu de pages Facebook (business) ce que je n’aime pas trop. Il y a une option sur Facebook qui permet d’activer l’option follow sur les profils mais apparemment peu d’artistes sont au courant et tout le monde n’a pas forcément envie d’être ”ami” avec les artistes qu’ils apprécient mais simplement suivre leur actualité.
– la troisième raison, c’est l’abscence de promotion des cultures locales. Oui, Kinshasa c’est la capitale, on y parle Lingala, etc. Mais il n’y a pas qu’une seule langue au Congo. Il y en a plus de 400! Je pense que culturellement, le Congo ne manque pas de diversité mais cette richesse n’est pas du tout exploitée. À part le Cilubà et le Kiswahili, on entend que le lingala. Les Baluba ont un attachement particulier à leur langue et à leur culture ce qui fait que le Cilubà est quand même bien représenté et il y a toujours des artistes pour le promouvoir. Et le Kiswahili également. Il existe des albums de musique entiers en Cilubà et en Kiswahili. Mais le Kikongo qui est une langue nationale est pourtant très très peu représenté au niveau national et international. Où sont les Bakongo? Un artiste respecté comme King Kester, par exemple, n’a pas fait grand chose pour la promotion du Kikongo alors qu’il est né à Kikwit, en plein Bandundu. Oui, les artistes ont le droit de chanter dans la langue qu’ils désirent, en lingala, en Français ou en Portuguais même mais moi j’aimerais beaucoup que les artistes congolais soient fiers de chanter sur des rythmes traditionnels (modernisés ou pas), dans leur langue d’origine. Je pense que cela nécessite une impulsion qui va au delà de la simple envie. Il faudrait une valorisation conscientisée de chacun au niveau national. Je leur lance ici un appel: Chantez en Ebudza, en Nande, en Tetela, en Mongo, en Medje, en Yaka, en Shi, etc. Le Congo est un puits sans fond de culture.

– la quatrième raison, c’est le manque de supports vidéos solides. Je parle ici des artistes confirmés. La bonne chose c’est que depuis une dizaine d’années, ils nous épargnent les fonds kitsches. Je ne pense pas qu’il y ait besoin de beaucoup d’argent pour produire un clip vidéo solide et propre. Il faut un bon site de tournage, pas forcément un studio, des équipements de base, des tenues propres, une bonne connaissance technique pour tirer le meilleur de l’environnement, une bonne caméra ou appareil photo et surtout un bon concept. Quand je vois des artistes confirmés qui sortent des vidéos faites à la va-vite, c’est décevant. Il y a une raison pour laquelle les artistes en général sortent un album une fois tous les deux ans; c’est qu’ils veulent un produit de qualité. Je ne crois pas qu’en sortant un album tous les six mois ou tous les ans comme le font certains artistes congolais parfois, un artiste ait le temps de faire les choses proprement. Les vidéos des artistes congolais sont souvent limitées à montrer une vision très occidentalisée de l’Afrique avec les vêtements et accessoires “flashy”, la piscine, la villa et tout ce qui s’en suit, dans lesquels on montre souvent des hommes ou femmes qui font démonstration de la dernière chorégraphie à la mode. Je trouve qu’il manque une dimension inspirante que l’on retrouve chez peu d’artistes. On peut citer Lokua Kanza qui nous fait des clips simples mais inspirants. Il n’y a qu’à comparer ces vidéos par Meje30 ou ce teaser de Werrason et ces vidéos par Faada Freddy et Sauti Sol. Les concepts sont simples mais ils touchent au coeur. Ces vidéos sont émouvantes et inspirantes!
– la cinquième raison, c’est le manque de sérieux dans le traitement de l’image des stars. Il y a une tendance à l’américanisation qui me désespère. Entre les filles qui dansent sans culotte et les gars qui couchent avec les femmes d’autrui, le paysage “people” congolais est devenu du grand n’importe quoi. Et ne soyez pas surpris mais les Congolais ont plutôt une mauvaise réputation (pour ceux qui ne connaissent pas le Congo et les Congolais) et ce à travers le monde. Comme toujours une minorité impacte négativement la réputation des Congolais. Il serait une erreur de prendre pour exemple Beyoncé et compagnie. Le Congo n’est pas l’Amérique et a une histoire plus riche et plus importante que l’Amérique et l’Amérique n’est pas vraiment une référence. Le monde pense que tous les Congolais se comporte de manière frivole et impolie et vulgaire. Ce qui n’est pas du tout le cas. Et dans ce sens, les artistes congolais doivent relever un peu le niveau car ils sont la vitrine de la RDC qu’ils le veuillent ou non.
Après tout ceci, il faut quand même dire que la rumba congolaise reste la marque de fabrique du Congo musical. Papa Wemba a sorti un nouvel album avec de nouveaux morceaux de rumba. Nous avons aussi, par exemple, Meje 30, intronisée par Tshala Muana. Bon, c’est de la bonne rumba mais ce n’est pas vraiment innovant. Moi, j’ai envie d’autres choses. Il n’y a pas que la rumba au Congo, il y a plein de musiques diverses et variées, anciennes ou nouvelles. Les rappeurs locaux apportent aussi des choses intéressantes. À leur époque, il y a plus de 50 ans, Dr. Nico, Franco et les autres ont révolutionné la musique moderne d’Afrique noire. J’attends aujourd’hui l’artiste Congolais qui viendra révolutionner à nouveau la musique africaine pour les 50 prochaines années!